Septembre, le lundi de l’année

Un texte de Queen Of Argyll

(d’après la version originale en italien sur son blog)

Non, au cas où vous vous demanderiez, ce n'est pas janvier le lundi de l'année, bien que décembre soit incontestablement le dimanche.
Septembre, c'est lundi : ronchon, grincheux, inévitablement productif à contrecœur, avec le besoin urgent d'une tasse de café macchiato d'un mètre et demi de haut et de même diamètre. C'est le bordel, donc, de l'emmener en voiture, dans le métro ou au bureau.

Je ressens en moi cette espèce de mélancolie de septembre depuis l'école : nos parents nous traînaient partout pour faire des provisions de manuels et de fournitures, peut-être pour acheter des tabliers plus bleus et plus longs, parce que nous avions tellement grandi en été, grâce au soleil, à la mer et aux tonnes de melon (et de jambon) avalées pendant les vacances. Pour notre part, nous, les petits, nous accrochions de toutes nos forces aux derniers vestiges de l'été avant de poser nos fesses sur ces sièges inconfortables, auxquels nous resterions attachés toute l'année.
Quelle déprime les devoirs de vacances, presque intacts jusqu'à la dernière semaine de vacances, quelle déprime le coucher du soleil un peu plus tôt chaque jour, quelle déprime encore de porter un pull autour de la taille quand on fait du vélo..
Les enfants savent très bien que le mois de septembre résonne comme la cloche de huit heures et demie du matin, et qu'à la fin du mois d'août on respire plus lentement, on retient son souffle, on fait tout ce qu’on peut pour retenir un peu plus longtemps le farniente estival. Une fois que c’est terminé, on soupire comme quand on est découvert dans une partie de cache-cache. Bon, on retourne travailler.
Septembre se traîne sur les routes humides et fraîches, marchant sur les premières feuilles sèches mais faisant toujours tournoyer la jupe rouge dans le vent. Il a un sac plein de livres, une nouvelle veste, un peu d'enthousiasme sur un visage endormi.
De temps en temps, il prend son vélo, se faufile dans les embouteillages en faisant attention aux rétroviseurs, attrapant des regards furibonds et des majeurs qu'il ignore magnifiquement parce qu'il a un album de Vashti Bunyan dans ses écouteurs.
Septembre commence à courir car il est constamment en retard, après avoir dansé pieds nus sur le gravier, les pieds pleins de poussière et la tête pleine de coups de soleil.
Il retourne à la salle de sport, il retourne à l'école, il commence un régime, se prépare un casse-croûte pour le bureau et laisse des trognons de pomme dans le caniveau sur son trajet, on ne sait jamais, si les moineaux ont faim…

Septembre, c’est lundi qui nous rappelle, avec une lourde insistance, tout le temps que nous avons perdu. Avons-nous réussi à faire tout ce que nous voulions pendant notre temps libre ? Avons-nous oublié quelque chose ? On a toujours l’impression d’avoir laissé quelque chose derrière soi. Mais même si c'était le cas, nous aurons sûrement plus de temps libre pour nous en occuper, un temps mieux utilisé, car plus limité et donc mesuré avec plus de soin. Alors pourquoi s'en préoccuper ?
Le problème de septembre est peut-être qu'il dilue plutôt ce dont l'été est tout imprégné.
Mais l'important, c'est de ne pas diluer le café.

fillette à vélo, une grosse tasse de café dans le dos Illustration de l’autrice