Une crise de l’attention, entre évolution technique et provocation
Historiquement, le terme économie désignait la gestion d’une maison de famille, c’est-à-dire l’organisation d’une communauté intime. Aujourd’hui, son acception a largement dépassé ce cadre. Traitant davantage des relations monétaires et financières, l’économie se décline sur l’ensemble des relations construites développant un système de relations entre individus ou au sein d’un système. L’économie de l’attention décrit nos façons de regarder, d’écouter, de nous concentrer sur un sujet ou un objet. Il s’agit d’analyser nos comportements pour comprendre les relations que nous développons avec l’objet de notre attention.
Pris dans une multiplicité de sollicitations, nos sens (et principalement la vue et l’ouïe) se concentrent afin de « prêter attention ». Comme l’explique Johnathan Crary, il s’agit de : « […] se dégager d’un champ d’attraction plus large, qu’il soit visuel ou sonore, de façon à s’isoler ou à se focaliser sur un nombre réduit de stimuli » [J. Crary, Le capitalisme comme crise permanent de l’attention, in L’économie de l’attention, Nouvel horizon du capitalisme ? Y. Citton (dir.), La Découverte, Paris, 2014. p.35]. Cette focalisation entraîne un processus d’exclusion des autres stimulations. Nous comprenons alors l’enjeu pour les entreprises numériques et les services qu’elles proposent. Si l’attention est un enjeu majeur répondant aux métriques qui justifient la situation économique de ces sociétés, elles se doivent de développer des interfaces assez puissantes pour neutraliser leur concurrence et optimiser leurs véritables leviers économiques.
Par exemple, pour une entreprise et une interface comme Facebook, l’affichage en trois colonnes verticales et une colonne horizontale est devenue un repère trop important pour les utilisateurs. Une modification de l’apparence serait un risque ergonomique mais surtout économique car il pourrait entraîner une baisse de fréquentation de la plateforme. Ensuite, au sein de l’interface Facebook, certaines fonctionnalités ne sont pas mises en avant. L’option « déposer un fichier », disponible dans le cadre d’échange au sein d’un « groupe privé » est peu visible, reléguée à trois clics de l’action alors que le dépôt d’une photo est optimisé. Ce détail montre comment une interface peut orienter l’utilisation qu’en font les utilisateurs, dévoilant par ses choix l’intérêt qu’elle porte aux types de contenus partagés.
Nous voyons également que l’évolution des plateformes et des interfaces est constant, par à-coups successifs. L’ajout des fonctionnalités se fait petit à petit pour deux principales raisons. La première relève de l’habitude : en effet, un changement trop radical peut produire de l’inattention par une perte de repère. La seconde, étroitement corrélée, relève de la nouveauté comme principe économique. L’innovation est devenue un levier de captation attentionnelle, proposant des expériences sensorielles en constante évolution. L’attention devient ici une ressource économique qui doit être adaptée aux reconfigurations continuelles des modalités de consommation de l’information.
En ce sens la captation de l’attention produite par des changements réguliers de l’interface, avec des ajouts de fonctionnalités, pourrait être considérée comme un critère d’évaluation du respect ou du non-respect de l’utilisateur.
Ensuite, nous voyons que les structures imposées à notre attention sont principalement conçues pour des individus seuls. La multiplicité des technologies nous le montre. Du téléphone familial aux smartphones, de la télévision comme unique écran au sein du foyer à la prolifération des écrans personnels (ordinateurs, tablettes, smartphones) qui sont parfois actifs simultanément, cette individualisation des interfaces rejoint l’analyse de la dimension spectaculaire que propose J. Crary :
« En réalité, la culture du spectacle n’est pas fondée sur la nécessité de pousser le sujet à voir, mais plutôt sur des stratégies par lesquelles les individus sont isolés, séparés et conduits à habiter le temps sur le mode de l’impuissance » [Ibid].
Cette impuissance du sujet solitaire nous permet de comprendre un aspect essentiel des stratégies de captation d’attention : l’individualisation des ressources peuvent être des biais puissants qui jouent simultanément sur la personnalisation et l’innovation, même sur des plateformes dites « sociales ».
Cependant, attention et distraction peuvent se joindre pour améliorer les conditions d’utilisabilité des interfaces. Certaines fonctionnalités de personnalisation (habituellement conçues pour maintenir l’utilisateur actif sur un site) peuvent proposer des remèdes, des solutions pour éviter les pièges de la captation d’attention. Nous sommes ici pris dans l’ambivalence de ce que B.Stiegler nomme le Pharmakon : un objet qui est la fois le remède et le poison selon l’emploi que nous décidons d’en faire.
Par exemple, le navigateur Mozilla Firefox propose des add-ons, des fonctionnalités développées par la communauté des utilisateurs/développeurs. Le navigateur Chrome propose le même type de plateforme, les add-ons sont alors nommés plug-ins. Pour simplifier notre exemple nous nommerons plug-ins et add-ons des extensions. Les développeurs déposent des extensions sur une plateforme que l’utilisateur peut ajouter à son navigateur. Récemment, le jeune étudiant ingénieur Tim Krief à développé une extension baptisée Minimal. Cette extension agit sur les interfaces pour désactiver les fonctionnalités telles que les notifications ou certains dark patterns. Avec un code ouvert déposé sur GitHub (plateforme de partage de code), cet outil est une bonne illustration de l’ambiguïté qui existe entre attention et distraction.
D’une part, cette extension répond à ce nous nommons la « personnalisation de l’interface », nous sommes pris dans une dynamique d’individualisation de l’expérience de navigation, comme le proposent d’autres plateformes. D’autre part, cette extension agit contre d’autres aspects qui captent notre attention. La dichotomie attention versus distraction s’en trouve affaiblie. Nous voyons ici qu’une nécessaire évaluation du principe d’individualisation doit être établie. Ici, c’est le principe communautaire qui vient transcender notre expérience individuelle, bien qu’il soit lui-même pris dans une dynamique de personnalisation. Comme l’explique J. Crary :
« L’attention et la distraction ne peuvent être pensées hors d’un continuum, au sein duquel les deux états se mêlent sans arrêt l’un à l’autre, à l’intérieur d’un champ social où les mêmes impératifs et les mêmes forces appellent à la fois à l’attention et à la distraction ».
L’exemple de l’extension Minimal peut être comprise en ces termes. Elle participe d’un même continuum et répond à une même dynamique : la personnalisation de l’interface et in fine de l’expérience utilisateur. Elle s’inscrit dans un champ social, celui de la contribution communautaire (des plateformes de dépôt aux médias sociaux) et elle appelle aussi bien à l’attention (je me libère de l’attention captée par des automatismes et des nudges) qu’à la distraction (je personnalise mon interface en me laissant distraire par les fonctionnalités proposées individuellement).
Nous voyons ici poindre un autre critère d’évaluation en forme d’interrogation que nous pourrions traduire en ces termes : l’interface permet-elle nativement (sans recourir à des extensions) de simplifier la navigation du service utilisé ?
Qualité ou quantité, l’attention comme concept pivot
Compris comme une qualité, l’attention est ce que Georg Franck nomme : « une considération apportée à l’autre » [G. Franck, Economie de l’attention, in L’économie de l’attention, Nouvel horizon du capitalisme ? Y. Citton (dir.), La Découverte, Paris, 2014. p.38], c’est-à-dire un investissement dirigé qui porte une estime de l’expression naissante chez un individu. Entendu comme une quantité, l’attention peut à la fois définir une grande capacité de concentration d’un individu vers objet mais aussi la valeur captive que peut produire un objet sur un sujet ou plusieurs. Pour synthétiser, nous sommes dans un rapport de l’attention face à elle-même. Un médium produit de l’attention et il en capte en retour. C’est ce que G. Franck nomme : « l’exploitation attentionnelle de l’attention ».
L’attention est alors comprise comme une ressource qualitative et quantitative qui s’ajuste dans le processus marchand entre sa valorisation ou sa dévalorisation. Il s’agit ni plus ni moins de l’utilisation de la publicité sur les heures de pic de navigation (pour les sites) et les heures de grande écoute (pour la radio et la télévision). L’annonce de l’information à suivre et l’information elle-même sont rationnées pour maintenir une quantité d’individus captifs, attentifs, en attente. Cette attention provoque une valorisation économique liée à différentes technologies. Nous pouvons penser aux publicités AdSense de Google qui proposent des publicités ciblées en fonction des thématiques des sites ou des blogs (il existe d’autres types de régies publicitaires du même acabit). La valorisation économique se fait ici sur le taux d’engagement des utilisateurs. Dans cette acception du webmarketing, le taux d’engagement ne traduit pas un engagement attentionnel profond, il s’agit de mesurer le taux d’exposition de la publicité sur la plateforme, et le taux de clic entraîné par la publicité disposée sur la page.
Il existe d’autres types d’expositions publicitaires, nous voyons depuis plusieurs années la recrudescence des « top 10 » , des classements de produits proposés par des sites se présentant généralement comme des sites d’informations spécialisés (high-tech, cuisine, etc.). La mise en avant des produits dans ces classements sont réalisés en accord avec les marques qui rétribuent les « rédactions ». L’attention sollicitée est alors celle de la curiosité de l’utilisateur qui veut savoir qui est le meilleur du classement et depuis quels critères. Nous trouvons également d’autres types de « snack content » dont les caractéristiques sont souvent les mêmes : un contenu court, un titre accrocheur dont l’annonce est coupée pour que l’utilisateur ne puisse pas la lire directement depuis une autre page web (type google actualités) ou depuis le lien URL, des liens hypertextes vers les produits nommés, et bien sûr un nombre important de cookies pour suivre l’utilisateur et cibler les publicités.
Nous voyons alors que la présentation du contenu, sa mise en forme mais aussi la ligne éditoriale sont des éléments fondamentaux pour auditer, analyser et estimer l’investissement attentionnel des utilisateurs. En ce sens l’économie de l’attention rejoint le modèle de valorisation monétaire et financière que nous résumons rapidement sous le mot « économie ». Nous pouvons dès lors dégager un critère d’évaluation sur le modèle économique de l’attention. L’utilisation de la publicité par un site faisant appel à une régie publicitaire (Google AdSense) pourrait être définie comme un modèle économique attentionnel clos. L’utilisateur navigue sur un site, les thématiques ou les sujets agrègent une publicité ciblée par une régie au sein de la plateforme.
L’emploie des techniques éditoriales promotionnelles pourraient constituer un modèle économique attentionnel ouvert et dynamique. Il réagit avec l’actualité chaude, se déguise derrière un contenu informatif pour lequel l’utilisateur fait l’action d’ouvrir le lien. En ce sens, l’utilisateur est moteur de sa propre redirection.
Dans les formes que nous venons d’évoquer, nous voyons que la quantité attentionnelle d’exposition est la seule économie attentionnelle dont le webmarketing s’est emparé. Les tentatives de valorisation de la qualité attentionnelle sont beaucoup plus rares.
Dans un autre registre, les médias sociaux développent eux aussi un modèle attentionnel dont l’économie se fonde sur la quantité d’utilisateurs inscrits. De plus, la régularité de leurs connexions, de leurs activités sur les plateformes et de la multiplicité des actions qu’ils réalisent consolident le modèle économique desdites plateformes.
Toutefois, peut-on dire que la qualité attentionnelle d’un utilisateur de Facebook est la même que celle d’un utilisateur devant réserver un billet de train ou un logement pour un séjour ? C’est dans cette ambiguïté contextuelle que vient se glisser la problématique de la qualité attentionnelle. Comment mesurer l’influence d’un contexte sur un utilisateur ? Nous ne pouvons nous livrer à des enquêtes sérieuses et approfondies pour répondre à ces questions, cependant, l’architecture des plateformes et les services qu’elles offrent nous permettent de dégager quelques pistes à suivre.
D’abord, une plateforme web destinée à structurer des relations sociales peut vite devenir une habitude pour ses utilisateurs. Ils deviennent petit à petit des experts de cet espace numérique. Ils connaissent la plateforme, ses fonctionnalités, ses failles, les actions à éviter et celles à privilégier. Cette utilisation est très différente d’un service ponctuel ou local utilisé temporairement pour répondre à un besoin, parfois dans l’urgence. Dès lors, la qualité attentionnelle portée à un site n’a pas la même valeur qu’on soit dans le registre de l’habitude ou dans celui de l’urgence.
À ce stade, c’est sur le plan de l’activité cérébrale que nos ressources attentionnelles divergent. Dans son texte « L’économie cérébrale de l’attention » [J-P. Lachaux, L’économie cérébrale de l’attention, in L’économie de l’attention, Nouvel horizon du capitalisme ? Y. Citton (dir.), La Découverte, Paris, 2014. p.109], Jean-Philippe Lachaux explique que notre attention entre en conflit et que nous devons lutter pour maintenir un « moi-unifié ». Pour cela, il distingue trois grands types de systèmes agissant dans le cerveau : le système des habitudes, le circuit de récompense, et le système exécutif. De la reconnaissance automatique des formes et des dangers potentiels qui structurent notre environnement, à l’attention orientée pour motiver une action tournée vers la récompense jusqu’à la mise en place de filtres pour contrer l’habitude et rester concentré, les relations entre ces trois pôles régissent nos interactions en ligne. C’est dans ce théâtre, intime mais partagé, que nous essayons de nous départir des éléments saillants pour nous concentrer sur des actions ponctuelles. La différence de traitement entre un média social à l’interface connue et une plateforme de réservation ponctuelle apparaît alors plus clairement. Le système des habitudes et le système exécutif sont en tension et la qualité attentionnelle de l’un ne vaut pas la qualité attentionnelle de l’autre.
Ces différences physiologiques pourraient entraîner des modulations dans ce que nous nommons l’économie de l’attention. S’il y a bien une économie cérébrale de l’attention, celle-ci est multiple et répond à des contextes très différents. Face à la généralisation du concept et à l’unique mesure quantitative, la prise en compte de la qualité attentionnelle est un critère important pour mesurer l’adaptabilité des systèmes et des interfaces en fonction de ce qu’ils sollicitent de la part de leurs utilisateurs.
Les formes de valorisation économique de l’attention
Comme nous l’avons vu, les formes de valorisation économique de l’attention sont largement dominées par le calcul de la quantité d’attention. Le modèle de calcul du CTR (click through rate) dont la formule peut se résumer par le nombre de clics divisé par le nombre d’impression, le tout multiplié par cent : (nombre de clics / nombre d’impression) x 100 = CTR. Pour qu’elle soit rentable, une campagne publicitaire doit donc avoir un budget plus faible que son revenu publicitaire, ce qui est difficile pour la plupart des sites ne générant pas des trafics très importants. De plus, la qualité du référencement (l’indexation du contenu sur un moteur de recherche) est un élément crucial, à la fois gage de confiance et de qualité.
C’est ici qu’apparaît une autre forme de valorisation économique de l’attention. Précisons ici que la valorisation économique dont nous parlons n’est pas synonyme de rétribution pour les utilisateurs qui donnent de leur attention contre l’utilisation de services. Il existe de nombreuses formes de valorisation de l’attention déguisées derrière des applications de validation ou de descriptions personnelles.
Premièrement, nous pouvons prendre l’exemple de la technologie Captcha (Completely Automated Public Turing test to tell Computers and Humans Apart). Crée à l’Université Carnegie-Mellon à Pittsburgh en 2000 puis rachetée par Google en 2009, la technologie Captcha est utilisée originellement pour contrer les bots (robots) remplissant automatiquement des formulaires en ligne. Au fur et à mesure de son évolution, des inscriptions écrites stylisées aux images à reconnaître, Captcha demandait à l’utilisateur de reconnaître des voitures, des animaux, des plaques ou encore des ponts parmi une grille de neuf ou douze images extraites de Google StreetView. Les données récoltées pour authentifier les objets ont été et sont toujours utilisées pour remplir des bases de données ayant pour objectif de pouvoir définir ce qu’est un objet (voiture, pont, etc.) afin de pouvoir établir des algorithmes de reconnaissance destinées notamment aux « voitures autonomes ». Avec ce bref exemple, nous voyons comment l’attention des utilisateurs est utilisée à des fins économiques.
Dans un autre registre, l’exploitation de l’attention se décline avec des informations précises, rigoureuses et détaillées pour définir des profils, des populations et des prospects très précieux pour les régies publicitaires (et d’autres acteurs). En effet, les sites de rencontres, les réseaux-sociaux et les médias sociaux ont érigé la personnalisation comme un critère fondamental, incontournable, car celui qui ne s’y plie pas ne peut pas accéder au service demandé. Chaque utilisateur fournissant son prénom, nom, âge, sexe, religion, mais aussi ses goûts musicaux voire ses attirances et ses pratiques sexuelles permet aux plateformes de structurer des bases de données qui correspondent à des profils types très détaillés. Ces bases de données peuvent ensuite être préservées à l’abri des regards indiscrets selon les législations en vigueur, mais elles peuvent aussi être vendues, revendues, et bien sûr piratées. La personnalisation et le soin laissés à l’utilisateur de se décrire, se prendre en photo et détailler son profil afin de rencontrer les ou la bonne personne permet aux plateformes d’avoir des bases de données aussi complètes que l’utilisateur le souhaite. Cependant, ces renseignements ne sont pas toujours nécessaires pour accéder au service souhaité ou au bon fonctionnement du service demandé.
Le temps passé à renseigner ces champs toujours plus précis peut être perçu comme un dérivé du modèle de captation attentionnel. Venant à la fois répondre à l’impératif du service et à une faille narcissique bien connue des publicitaires, l’utilisateur du service devient alors un producteur de contenus. Le profil et les renseignements de l’utilisateur constituent une première diffusion d’informations. Ensuite ses publications, ses partages donnent de l’ampleur à la fois aux contenus et aux plateformes qu’il utilise. Enfin, ses réactions, ses commentaires, l’appel de ses amis, sont autant d’éléments qui structurent une forme de référencement propulsant les contenus et notifiant d’autres utilisateurs. À ce stade, l’utilisateur est à la fois acteur et spectateur de son propre travail et du travail des autres.
La teneur des propos précédemment écrits pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un discours dénonçant en bloc le principe des plateformes communautaires d’agrégation de contenus. Au contraire, il s’agit ici d’apporter de la nuance afin de dégager de nouveaux critères d’évaluation. Le partage et surtout l’hypertexte font partie de ce que nous pourrions nommer les transcendantaux du web. C’est l’une de ces principales fonctions qui a déterminé et propulsé les usages et les transformations du web que nous connaissons aujourd’hui. Toutefois, le partage et le lien ne servent pas toujours à valoriser un contenu pour sa pertinence, cette « perversion » peut se résumer au principe du buzz, qui n’est rien d’autre que le principe de viralité appliqué à l’information. Le principe du lien hypertexte et du contenu renvoyant à un autre contenu produit alors un effet paradoxal.
D’un côté, il peut augmenter le contenu initial par un autre qui lui est corrélé, lui donnant plus d’intérêt et de crédibilité (pensons à la pertinence d’un article scientifique citant les sources sur lesquelles il s’appuie).
De l’autre, il peut affaiblir voire noyer un contenu sous une quantité d’information trop importante qui peut déstabiliser l’utilisateur, dépasser ses capacités et ses conditions de navigation (il peut s’agir d’une interface saturée et mal conçue sur le plan ergonomique mais aussi de faux articles faisant la promotion déguisée d’un produit).
Ces deux effets contradictoires peuvent être résumés depuis les termes de C. Shanon et sa récente relecture par B. Stiegler. La perte de repère dans l’information est nommée « entropie » alors que la recherche d’une information lisible et compréhensible est nommé « néguentropie ». Il s’agit ici de comprendre l’information comme un élément de compréhension qui doit être soutenable, dont le sens est compris et dont l’appropriation est possible. De plus, ses conditions matérielles d’existence ne peuvent mettre en péril le système ou le réseau dans lequel elle se trouve et se partage.
Il est important de noter que cette conception de l’information comme un élément vivant et protéiforme s’inscrit dans une critique de la marchandisation et de la valorisation des biens dans un monde fini. Il s’agit alors d’inscrire l’information dans un principe écologique ou l’attention est perçue comme une ressource finie et précieuse. Pour synthétiser, il s’agit de faire attention à l’attention qu’on sollicite. La néguentropie devient alors un critère important pour évaluer la pérennité d’un système, sa soutenabilité, et la valeur de son information.
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