Retours sur la 32ème Journée du Livre Politique

Le samedi 25 mars 2023 avait lieu à l’assemblée nationale la 32ème édition de la Journée du Livre Politique, avec pour sujet cette année : « Réseaux sociaux; alliés ou ennemis de la démocratie ? ». Retour sur son contenu.

Le samedi 25 mars 2023 avait lieu à l’assemblée nationale la 32ème édition de la Journée du Livre Politique. Le rapport avec les ambitions de Deuxfleurs semble ténu jusqu’à ce qu’on rappelle le sujet de cette année : « Réseaux sociaux; alliés ou ennemis de la démocratie ? ». En plus de cette orientation, un autre aspect de cet événement a retenu notre attention, à savoir la présence de nombreux dignitaires, hauts fonctionnaires, ou ex-élus. Jugez plutôt :

Laetitia Avia, Roselyne Bachelot, Jean-Noël Barrot, Brigitte Boucher, Bernard Cazeneuve, Arlette Chabot, Alexis Corbière, Michèle Cotta, Caroline Fourrest, Françoise Fressoz, Louis Gautier, Guillaume Gouffier Valente, Didier Leschi, Cédric Lewandowski, Richard Malka, Tristan Mendès France, Véronique Morali, Jérémie Peltier, Fabien Raynaud, Dominique Reynié, Michaël Stora, Manuel Valls, Fiammetta Venner, Mathias Vicherat…

Avec un tel panel sur un tel sujet vient le soupçon qu’on abordera un sujet plus large que les réseaux sociaux, à savoir l’internet en général, qui favorise la libre diffusion des idées notamment via la variété des hébergements possibles. Ainsi est concerné le CHATONS dont nous faisons partie.

On notera que certains politiques présents ont par le passé défendu des législations liberticides sur les espaces numériques, on pense en premier lieu à Laetitia Avia, Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls. Je me suis rendu à l’événement, sans connaître le format d’organisation ni s’il était possible d’interagir avec les orateurs, dans le but de pouvoir interpeller sur les risques et les conséquences de ces projets. Le public n’a au final pas eu la possibilité d’intervenir. La journée a essentiellement consisté en quatre tables rondes (qui n’en était pas, donc), dont voici l’essentiel.

Vous avez 7 heures à tuer ? Une captation audiovisuelle de l’intégralité de l’événement a été réalisée. Vous trouverez la matinée avec les deux premières discussions ici, et l’après-midi avec les deux autres ici.

Introduction

Après une brève introduction par le président de l’association Lire la Politique, Cédric Lewandowski, Bernard Cazeneuve, qui d’après lui n’avait pas mis les pieds dans l’assemblée nationale depuis 10 ans, prend la parole pour un quart d’heure d’improvisation. Il dénonce le fait qu’ « au moment où les attentats [de 2015] se sont produit, le nombre de messages appelant, provoquant à la haine ont augmenté de près de 70% dans les heures qui suivaient les attentats ». Je n’ai jamais été en mesure de retrouver la source de ce pourcentage, qui mériterait d’être accompagné du volume de référence. Lors de mes recherches je suis ironiquement tombé sur un son de cloche contraire.

Première table ronde : Réseaux sociaux : de quoi parle-t-on ? Outils, supports, législation.

Animée par Brigitte Boucher; avec Laetitia Avia, Roselyne Bachelot-Narquin, Jean-Noël Barrot, et Fabien Raynaud. Photographie de la première table ronde de la 32ème journée du livre politique Jean-Noël Barrot rappelle que les médias sont encadrés par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, contrairement aux réseaux sociaux qui sont considérés comme des hébergeurs, caractérisation qu’il juge désormais problématique. Il fait le lien entre l’assimilation des réseaux sociaux à des marchés publicitaires et la nécessité de capter les utilisateurs, donc la créations de bulles, et la nuisance au débat.

Roselyne Bachelot-Narquin prend la parole (sans avoir manqué de faire l’autopromotion de son livre). En essayant d’aborder le sujet via le prisme de la culture, elle étale un amalgame total entre réseaux sociaux, internet en général, et échanges pair-à-pair. Elle raconte qu’un ami s’est vanté auprès d’elle d’avoir lu son livre gratuitement sur « une plateforme en ligne » (laquelle ? Mystère, on ne saurait dire si Mme Bachelot elle-même le sait). Devant son désarroi, il s’assure : « Sûrement touches-tu des droits d’auteurs ? ». Et elle de répondre tout simplement « Non. ». Après cette anecdote approximative on l’espère, elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas en faveur de l’échange en pair-à-pair. Mais elle ponctue également que « les réseaux sociaux sont donc clairement une atteinte à la propriété intellectuelle et donc à la culture ». On ressort de sa prise de parole plus confus qu’on ne l’était avant, son discours donne l’impression que dans son esprit, les pirates vont chercher les derniers films ou livres sur Twitter et Instagram.

Fabien Raynaud explique que les réseaux sociaux représentent une nouvelle communication pour les administrations, leur permettant de toucher des publics qu’ils ne touchaient pas avant. Il porte trois préconisations :

  • rééquilibrer le pouvoir entre les grandes plateformes et leurs utilisateurs
  • armer d’avantage la puissance publique. Il cite le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), deux règlements européen dont il rappelle fièrement qu’ils sont passés sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
  • penser dès maintenant les réseaux de demain. Il nous gratifie instantanément d’une référence au métavers.

Laetitia Avia appelle à responsabiliser les plateformes, et explique que « Ce qui est interdit dans l’espace public doit être interdit également en ligne ». Elle invoque la protection des démocraties; puis se réfère à la prise du Capitole aux États-Unis, qui aurait causé une prise de conscience, et la réalisation que les outils numériques amplifient la déstabilisation de celles-ci. Elle cite également la tentative de coup d’état au Brésil. Selon elle, les algorithmes portent atteinte à la variété des idées, et la prise de pouvoir d’Elon Musk montre que ces réseaux sociaux n’ont pas de fonctionnement démocratique. Elle prône une approche moins curative mais plus systémique, portée par le DSA et le DMA. On s’étonne de cette prétention, vu comment la modération des réseaux sociaux s’apparente bien souvent à un chasse-taupes avec les symptômes plutôt qu’avec les causes sociétales.

Jean-Noël Barrot explique qu’en droit, on considère les plateformes non responsables de leur contenu, de la même manière qu’un loueur de box ne peut être incriminé vis-à-vis de ce qu’y met le locataire. Avec les règlements DSA et DMA, ils veulent casser cet état de fait sans non plus considérer les hébergeurs comme des organes de presse au sens de 1881, avec par exemple Elon Musk pénalement responsable. Il y aura des signaleurs de confiance, qu’il indique être des « associations qui ont pignon sur rue ». Il signale également l’existence d’un « code de pratique » contre la désinformation proposé par le législateur européen. Celui-ci a été signé par une trentaine de plateformes, mais pas forcément dans son intégralité.

Fabien Raynaud annonce entre la poire et le fromage qu’un haut représentant de la justice États-Unienne suit la commission européenne pour voir comment elle parvient à mettre en place tout cela.

Laetitia Avia confirme que « tous les yeux sont tournés vers l’Europe », et ajoute une pique finale envers la plateforme Tik Tok, qui selon elle n’est rien de moins qu’un « condensé des difficultés des réseaux sociaux », « un repaire de pédocriminels », « le lieu par lequel un gouvernement autocratique peut récupérer les données de ses utilisateurs sans grande difficultés ».

Deuxième table ronde : Réseaux sociaux face à la cybercriminalité. Comment contenir le racisme, la haine, l’antisémitisme, le complotisme, la désinformation…

Animée par Françoise Fressoz; avec Louis Gautier, Didier Leschi, Richard Malka et Véronique Morali. Photographie de la deuxième table ronde de la 32ème journée du livre politique Louis Gautier affirme qu’il y a des barrages qui doivent être faits par les réseaux sociaux et les fournisseurs d’accès. On est pas sûr de comprendre sa logique mais il est soulagé que la liberté de la presse ait été présente lors de l’affaire Dreyfus, autrement ils y auraient eu plein de fausses informations. Il invoque pêle-mêle les attentats de Charlie Hebdo, l’élection de Donald Trump, et la mort de Samuel Paty. Il condamne ensuite fermement l’anonymat, qui est « la clé de ce système », qui doit pouvoir être levé. Si « détecter est une chose », il signale que pour assigner, caractériser et stopper il faut des outils. Il attribue le piratage de TV5 Monde aux Russes.

Didier Leschi rentre en détails sur les effets des réseaux sociaux sur les phénomènes de migrations. Il explique qu’il y a une très grande professionnalisation des passeurs et du recel auprès des immigrés sur les réseaux sociaux. Ces derniers permettent une flexibilité jamais vue pour les passages. Orange Money serait particulièrement utilisé par les passeurs, et ceux-ci se structureraient en agences de voyage. Il assiste à une « démultiplication des possibles ». Oui il a dérivé en hors-sujet.

Richard Malka rappelle les faits sur l’affaire Mila : l’audience autour d’elle sur Twitter a parfois été supérieure à celle sur la finale de la coupe d’Europe. Il s’agirait du premier grand procès pour cyberharcèlement. Il qualifie la loi Schiappa d’outil permettant de poursuivre quelqu’un qui n’a envoyé qu’un seul message, car autrement le harcèlement n’est pas caractérisé. Il cite l’article 60-1-2 du code de procédure pénale qui empêche un juge d’instruction de chercher l’identité d’un individu en ligne si la peine encourue est inférieure à un an de prison, mesure dont il perçoit qu’elle permet de désengorger les tribunaux. Dans son cas, 13 personnes ont été poursuivies sur les « peut-être 100 000 », mais il juge que cela a valeur d’exemple. Il nous informe que lors du début des poursuites, les menaces ont été divisées par 10, et lors du début des condamnations, elles l’ont été à nouveau. Il se bat pour que chaque réseau social ait un directeur de publication, car lorsqu’il essaye de s’adresser à un réseau, il se fait tourner en bourrique dans toutes les instances d’Europe. Il qualifie la décision par Twitter de bannir Donald Trump d’éditoriale. Cependant, il est contre l’interdiction de l’anonymat, car cela peut également protéger (notamment les journalistes), avec toutefois la réserve de pouvoir le lever si nécessaire.

Louis Gautier acquiesce : il faut pouvoir lever l’anonymat via approbation d’un juge.

Véronique Morali, étant présidente du directoire de Webedia, ne tarde pas à citer les forums du site jeuxvideo.com , et indique qu’« il est de notoriété publique que la communauté des gamers est particulièrement misogyne et raciste », et que la créativité des gens pour propager des fausses informations s’est grandement développée, en citant les VPN, Tor, et le trucage automatique de voix et de visage. Son groupe a surtout été mis en cause pour les forums 15-18 ans et 18-25 ans, mais il les a malgré tout conservés car ils sont pro liberté d’expression. Elle rappelle qu’ils collaborent avec toutes institutions nécessaires, et que 99% des messages qui sont signalés sur jeuxvideo.com sont supprimés dans les 3 heures. Quand ils ont été décriés pour ces forums, elle explique que la solution la plus simple aurait été de tout simplement les fermer, mais ils ne s’y sont pas résolu car les désagréments provenaient d’une minorité. Selon elle, les réseaux sociaux sont les alliés et les ennemies de la démocratie.

Richard Malka signale que les réseaux sociaux ont été des supers outils en Iran, mais qu’il faut considérer nos propres comportements, et invoque le conditionnement de la famille et de l’école. Il pense par exemple qu’on ne réglera pas les problèmes de complotisme par la justice.

Didier Leschi cite Karl Marx : « l’humanité ne se pose que les problèmes qu’elle peut résoudre ». Il s’est vu reprocher par le tribunal administratif qu’une administration publique ne peut bloquer des citoyens sur les réseaux sociaux. Il a fait appel, et s’il perd, il fermera son compte.

Louis Gautier pense que l’État est plus crédible quand il montre comment un message est façonné que quand il le dénonce simplement. Françoise Fressoz suggère une éducation aux réseaux sociaux dès le lycée. Véronique Morali signale sur le sujet qu’ils essayent de faire d’y faire de l’« édutainment » avec leurs influenceurs. Selon elle, fermer un réseau social est vain car tel une Hydre, la communauté se reconstitue. Richard Malka invite les médias à ne pas calquer leurs sujets sur ce qu’il se passe dans les réseaux sociaux, et les politiques à ne pas forcément y avoir de comptes. Véronique Morali nous fait le plaisir de nous informer que, elle, n’en a pas, et que « Dieu l’en garde ». Louis Gautier est confiant que les règlements européens qui vont entrer en vigueur seront bénéfiques mais ils auront besoin de moyens.

Interlude

Ici ont été insérées des remises de prix. La présidente de l’assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, a pu partager avec nous son sens de l’humour incomparable (« Quant au prix des députés, il s’agit d’un processus délibératif très abouti, sans 49.3 ni vote bloqué, ce qui est rendu possible par l’absence de toute obstruction »). Franz-Olivier Giesbert, lauréat du livre politique, fort d’avoir rencontré tous les présidents de la cinquième République sauf De Gaulle, nous explique qu’il n’est pas comme Edwy Plenel, car il croit qu’il faut voir les gens dont on parle. À constater la manière chaleureuse avec laquelle il les accole on ne doute pas qu’il fréquente beaucoup les oligarques.

Troisième table ronde : Réseaux sociaux et addictions. Santé, disponibilité, attention : les ravages des écrans.

Animée par Arlette Chabot; avec Jérémie Peltier, Dominique Reynié, Michaël Stora, et Fiammetta Venner. Photographie de la troisième table ronde de la 32ème journée du livre politique Michaël Stora essaye d’aider ses patients à accepter l’échec, chose devenue plus difficile avec les réseaux sociaux. Il souligne que les GAFAM souhaitent avant tout notre bonheur spécifiquement numérique.

Dominique Reynié indique que les personnes sur les réseaux sociaux votent plus que les autres, excepté dans le cas de Youtube. Aux États-Unis, 48% des gens déclarent passer « tout leur temps » sur les réseaux sociaux. Il nous informe que les addictologues ont mesuré une corrélation entre la dépendance aux réseaux sociaux et celle aux drogues, à la pornographie, ainsi qu’avec la misogynie, entre autres.

Fiammetta Venner mentionne l’affaire où des applications ont revendu des informations sur la menstruation de femmes à des associations contre l’interruption de grossesse (celles-ci ayant remporté le marché qui avait pour objet ces données), et l’affaire Cambridge Analytica. Elle explique qu’avec 5 téraoctets, on peut stocker les données de 10 millions de personnes (impossible de retrouver ce chiffre et son contexte en ce qui me concerne). Puis elle nous informe qu’en Chine, lors de la crise sanitaire du coronavirus, « Wei » (parle-t-elle du site de microblogage Weibo ? Je ne sais pas) aurait récolté tellement de données qu’ils prétendaient pouvoir donner la température corporelle de n’importe qui dans le pays, avec l’aide notamment des caméras frontales et des caméras de surveillance; mais je ne retrouve pas cette histoire nulle part, et j’invite à la prendre avec des pincettes. Elle fait alors le lien avec les safe cities. Puis elle nous explique que lors du Brexit, Tinder a mal compris ou implémenté cet événement dans ces algorithmes, mais on ne comprend pas vraiment ce qu’elle signifie à ce sujet.

Jérémie Peltier insiste sur le fait que nous sommes devenus très sédentaires, et que grâce au test de Cooper, on sait que la génération d’aujourd’hui a 25% de capacité pulmonaire en moins que la génération des années 90. Il explique qu’on a du mal à faire preuve d’altérité, et que la crise sanitaire du coronavirus a eu un effet certain sur le nombre de communautés (par exemple la famille, les collègues, un premier réseau d’amis, un second réseau d’amis…) qu’on fréquente : on est passés de 5 avant, à 3 après. Il constate également une baisse de la fréquentation, ainsi que du nombre d’adhérents et de licenciés dans les clubs et associations de sport. Il dénote qu’il y avait 100000 bistrots dans les années 60, contre 40000 aujourd’hui. Il explique que le début de l’isolement, c’est le fantasme de la vie d’autrui, et cela a des conséquences politiques.

Dominique Reynié rappelle que 25% des français adopte une attitude de rejet envers l’actualité, notamment parce que ça les déprime. Michaël Stora note que si les gens n’aiment pas les réseaux sociaux, on ne peut pas dire qu’ils les quittent non plus.

Quatrième table ronde : Comment faire des réseaux sociaux des alliés de la démocratie ?

Animée par Michèle Cotta; avec Caroline Fourest, Tristan Mendès France, Manuel Valls et Étienne Gernelle à la place de l’annoncé Alexis Corbière qui est finalement absent. Photographie de la quatrième table ronde de la 32ème journée du livre politique Tristan Mendès France explique que les réseaux sociaux sont de plus en plus la porte d’entrée des jeunes vers l’information, et qu’ils offrent également une porte d’entrée aux acteurs étrangers sur nos débats nationaux. Il remarque qu’il n’a jamais trouvé de groupe Facebook pro-vaccins, et en déduit que l’extrémisme y est le moteur de l’activité. Comme les réseaux sociaux déforment les débats et les idées, il rejette l’idée qu’ils fournissent une libre circulation des idées.

Caroline Fourest cite le printemps arabe et la lutte en Iran comme exemples en faveur des réseaux sociaux. Puis s’engage dans une acrobatie politique à ne pas reproduire chez soi, puisqu’elle établit un parallèle entre la lutte en Iran et celle contre la réforme des retraites en France. En effet, elle tient à nous dire qu’il ne passerait jamais par la tête des iraniens de cramer des kiosques, alors que eux vivent vraiment en dictature. Elle nous signale que les iraniens prennent vraiment des coups de matraques quand ils sortent, avant de concéder que « nous aussi on va devoir commencer à faire attention avec notre police républicaine », sous un rictus goguenard de Manuel Valls, assis à côté d’elle, qui durant l’intervention de Tristan Mendès France lui montrait quelque chose de présumément rigolo sur son téléphone puisque cela a suscité un sourire en elle. Elle appelle à « canaliser les réseaux sociaux » et note que depuis le covid, on a pas passé 6 mois en France sans se révolter. Selon elle cela ne peut pas être que pour des raisons politiques, c’est donc lié à la polarisation sur ceux-ci. Elle raconte que ses connaissances États-uniennes ne peuvent croire que la révolte actuelle en France est uniquement due à la réforme des retraites. Elle invite les médias à arrêter de se baser sur les réseaux sociaux, et se fait congratuler par le public qui de manière incompréhensible va lancer une salve d’applaudissements pour la première fois de la journée.

Étienne Gernelle rappelle que le plus gros réseau social, c’est Youtube (mais n’indique pas son critère de choix), et que les réseaux sociaux forment une domination absolu du marché de la publicité en ligne. Ayant été patron de presse (du journal Le Point), il dit n’avoir jamais autant subit de pression que de la part de Google à propos des droits voisins.

Manuel Valls exulte : « j’ai quitté Twitter en juin dernier, bonheur absolu ! », mais se sent néanmoins obligé de nous rappeler qu’il « y avait plus d’un million de personnes qui [le] suivaient ». Il a même fait faire une étude sur qui le suivait : pas mal de gens qui n’existent en réalité pas, de son propre aveu. Il continue sa prise de parole de manière abstraite et décousue, prescrit de remettre « le positif » et « la raison » au centre. Il déclare que « pour défendre la démocratie il faut mettre du contenu, avoir des convictions » sans plus entrer dans le détail.

Tristan Mendès France insiste qu’il ne faut pas sacrifier l’anonymat, ou plutôt privilégier le pseudonymat avec levée sous autorisation d’un juge. Caroline Fourest pense qu’en matière de fausses informations, on peut lutter contre la quantité avec la qualité. Étienne Gernelle lui demande avec plus ou moins de malice s’il ne va pas rester que des « rageux » sur Twitter si les gens comme Manuel Valls quittent cette plateforme. Le concerné informe qu’entre 8 et 10 millions de français suivent Twitter. Il ne sait pas comment lutter contre les effets néfastes des réseaux sociaux, mais il sait que ce n’est pas « en abandonnant ».

Épilogue

À mon regret le public n’a pas pu questionner les intervenants. Aucune prise de position n’a été particulièrement novatrice ou surprenante. Dans l’ensemble, les réseaux sociaux et même internet en général ont été beaucoup analysés sous l’angle de bêtes à contrôler, avec la révolte en Iran et le printemps arabe souvent brandis comme cautions pour pouvoir le faire sans ménagement. Inutile de préciser que les hébergeurs associatifs ou individuels ont brillé par leur absence de mention ou de considération.

Si venir en présentiel à cet événement a bien eu un avantage, c’est celui d’assister réellement à la décontraction totale au sein du cercle restreint des hauts dignitaires du pays. Avoir lu les Pinçon-Charlot et être familier avec leurs travaux sur les nantis n’immunise finalement pas contre la surprise qu’on a à voir de ses propres yeux l’intimité chaleureuse des accolades entre puissants de tous bords, politiques ou culturels.