Pourquoi nous photographions la Lune ?

Réflexion personnelle sur la photographie lunaire de nos jours.

La Lune

La Lune, cet astre qui accompagne la Terre depuis maintenant plusieurs milliards d’années et qui le fera encore pendant quelques milliards d’années.

Formée à la suite d’une collision brutale entre un corps de la taille de Mars, Théia, et notre toute jeune planète, elle a permis à la vie de se développer en nous protégeant de bolides par déviation gravitationnelle et en stabilisant sa rotation sur elle-même.

Elle a vu les premiers organismes vivants sortir de l’eau, les premières plantes, les premiers animaux multicellulaires, les dinosaures, leur disparition, l’arrivée des premiers mammifères, des premiers hominidés, elle a vu premiers hommes maîtriser le feu, fabriquer des outils, se faire leurs premières guerres, fabriquer les premiers avions (surtout pour mieux faire la guerre), et enfin voir débarquer sur sa surface une dizaine d’hommes. Dans mille, dix mille, un million d’années et même quelques milliards d’années, elle sera toujours là, à voir l’espèce humaine évolution, peut-être conquérir le système solaire, et probablement, à termes, disparaître.

De notre point de vue, Homo sapiens sapiens, la Lune a toujours été là. On naît, elle est là ; on vit, elle est là ; on meurt, elle est toujours là. Elle a fasciné toutes les plus grandes civilisations humaines depuis des milliers d’années, les Égyptiens, les Grecs, les Chinois ou encore les Incas et fait partie intégrante de toutes nos mythologies. Elle fait partie intégrande de l’humanité au même titre que notre étoile. Avant d’être conquise par l’espèce humaine pour de vrai avec les missions Apollo, les artistes ont été nombreux à la visiter depuis bien longtemps, Jules Verne ou encore Georges Méliès pour ne citer qu’eux (photo : Voyage dans la Lune par Georges Méliès en 1902).

Trip to the Moon — 1902 par Georges Méliès

Depuis que l’homme existe, elle nous a toujours montré la même face. Cela s’explique par un phénomène de rotation synchrone dû à un verrouillage gravitationnel entre les deux astres. Quand les premiers hommes ont regardé la Lune, elle nous montrait la même surface que celle que nous voyons aujourd’hui même et sera toujours la même que verront nos générations futures. La seule petite différence est sa taille apparente du fait d’un éloignement de la Lune de quelques centimètres par an, a peine visible pour nous en sommes.

Notre satellite naturel est prévisible, très prévisible même. Si bien qu’il y a déjà plusieurs milliers d’années les humains arrivaient déjà à prévoir les cycles lunaires et les éclipses. Aujourd’hui, on connaît avec une précision infinie tous les phénomènes liés à cet astre : cycle, phases, éclipses ou encore sa libration. On est capable de prévoir la prochaine éclipse totale de soleil dans 500 ans à un endroit spécifique sur la planète.

Bref, tout ça pour dire que la Lune est omniprésente dans notre vie, elle est là de la même façon que le sol est là, que le Soleil nous éclaire tous les jours ou que l’air nous permet de respirer. Que vous soyez en France, au Chili ou au Japon, elle sera la même, toujours, tout le temps, quoi qu’il arrive. De fait, elle n’est pas un paysage au même titre qu’une montagne, un bord de mer ou des plaines à pertes de vue. Elle est là, c’est tout, immuable.

La photographie

Très peu de temps après l’invention de la photographie, la Lune a été rapidement un sujet à fixer sur une surface. C’est en 1840 que la première photographie lunaire est réalisée par John William Draper avec un daguerréotype monté sur un télescope ; il fallait être motivé.

Première photographie de la Lune en 1840 par John William Draper

De nos jours, nous voyons encore et toujours des photos de la Lune prise par des photographes amateurs, astro-photographes, avec du matériel plus ou moins évolué allant du smartphone à cent euros au télescope à du matériel spécialisé de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros. Au final, pour voir la même Lune, la même surface, les mêmes reliefs, les mêmes cratères.

Par exemple, la photo ci-dessous réalisée en 2019 par Cristian Fattinnanzi montre une photo de la Lune en HDR pendant une éclipse (source).

HDR: Earth's Circular Shadow on the Moon by Cristian Fattinnanzi

180 ans séparent ces deux photos, au final pas grand-chose n’est différent entre les deux à part une technologie plus évoluée en 2019.

Pourquoi ?

Depuis quelque temps déjà, je me questionne beaucoup sur ma pratique de la photographie. Cela fait environ 10 ans que j’ai acheté mon premier appareil photo, mais quelques années que je cherche à comprendre pourquoi. Je n’ai malheureusement pas encore de réponse bien claire à cette question, mais je cherche.

Quand je vois sur les réseaux sociaux de nombreuses photos de la Lune, prises avec plus ou moins de techniques, je me demande vraiment la raison qui peut nous pousser à photographier cet astre banal et assez peu intéressant au final.

En cherchant sur Internet la question « pourquoi photographier la lune ? », je tombe seulement sur des articles de blog ou des vidéos YouTube qui expliquent comment photographier la Lune : quel objectif, quelle ouverture, quelle vitesse, etc.

Pourquoi photographier la Lune sur un moteur de recherche

Alors je peux comprendre que ce sujet permet de jouer avec les paramètres de son appareil ou de chercher à avoir la meilleure netteté sur la photo en post-production. Cette démarche peut faire partie de son apprentissage, je l’entends, mais, du coup, pourquoi chercher à les partager ? Quel est l’objectif, le sens derrière ?

Techniquement, si je la vois de ma fenêtre, la majorité des gens à qui je la partage la voit aussi avec exactement le même aspect et surtout la même surface, comme toujours.

Par ailleurs, si je veux observer les détails de la surface, une jumelle basique me permettra de mieux les distinguer que sur une photo réalisée plus ou moins bien. Une autre solution serait aussi d’aller chercher une photo haute résolution directement sur le Net (la Nasa en publie pas mal déjà de très bonne qualité). Une chose que je trouve amusante par ailleurs, la photo réalisée en 1840 par John William Draper est très souvent de bien meilleure qualité que celles que nous pouvons voir à notre époque. Je trouve ça assez ironique vu le temps et surtout la différence de technologie qui nous sépare.

Par conséquent, les photos de lune que nous pouvons faire ne devrait-elle pas rester privée vu que la finalité est personnelle. À moins que je loupe ici une finalité tout autre.

D’un point de vue technique la photographie lunaire n’est déjà pas bien évoluée : un trépied et quelques réglages basique permettent de voir la surface rapidement et d’avoir une photo pas trop ratée.

D’un point de vue journalistique ce n’est malheureusement pas beaucoup plus intéressant vu la banalité du sujet et le fait que sa présence s’impose à tout le monde presque toutes les nuits et mêmes les jours.

Pour terminer, d’un point de vue artistique on tombe ici, je trouve, dans le néant le plus total. Quel message voulons-nous passer aux autres au travers d’une photo de la surface Lunaire ?

Les plus attentifs à mon activité sur les réseaux sociaux pourront me rappeler que moi aussi j’ai publié des photos lors d’une éclipse de Lune il y a quelque temps. Et en effet, je ne le nie pas, j’ai moi aussi, comme beaucoup de monde, été attiré par ce type de photographie à une époque.

Cependant, comme je l’ai dit plus haut, je suis actuellement dans une phase de remise en question assez profonde et surtout de compréhension de ma pratique photo : pourquoi je fais des photos, qu’est-ce que ça me procure, qu’est-ce que j’aime ou n’aime pas photographier, et pourquoi. C’est un travail long et assez laborieux je dois l’admettre, dont je doute trouver une réponse claire un jour. Cela ne m’empêche pas pour autant d’y réfléchir parce que je pense que cette démarche est indispensable à tout photographe/artiste afin d’essayer d’améliorer sa pratique et de trouver du sens à sa photographie/son art.

En ce qui concerne la photo lunaire, je pense qu’à la lecture de cet article vous ayez compris ma conclusion.

Pour finir, je tiens à dire pour les personnes qui pourraient se sentir concernées dans cet article, que c’est une réflexion purement personnelle et que je ne vous empêche pas à faire les photos que vous voulez et en voyez un intérêt personnel, que ça soit de la Lune, ou de n’importe quoi d’autre d’ailleurs. Il est important pour moi de poser par écrit mes pensées pour m’aider à avancer dans ma démarche. Par ailleurs, je pense qu’il n’est jamais mauvais de se remettre en question et questionner ce qu’on fait, ou a pu faire par le passer, pour mieux comprendre ce qu’on veut faire plus tard, et j’espère que cet article vous aidera aussi dans ce sens-là.


Crédit photo : Earth Rising over the Moon's Horizon — Nasa mission Apollo XI