Un plus dans le vie, pas une galère 2

La convivialité

Après ces petites vacances je suis de retour pour palabrer sur la coop’ ! Oh joie ! Une belle année en perspective !

Je t’ai laissé la dernière fois sur cette histoire d’angle de réflexion pour la création d’une coop. J’affirmais ma position : la création d’un outil commun où l’autogestion est de mise (et non pas une épicerie). Prime alors la simplicité de l’outil en question et de ses processus pour permettre la participation et la prise en main rapide des tâches. Je développais alors quelques exemples concrets de cas où la simplicité a primé sur d’autres aspects (efficacité, contrôle, optimisation, etc). Aujourd’hui je continue sur cette voie et te parle d’un autre aspect : la convivialité.

Cette expérience aurait pu prendre des tas de formes différentes et qui auraient toutes remplies l’objectif de bouffer autrement, mieux, moins cher. Des idées en vrac :

  • un drive : une coop’ dotée d’un site internet par lequel chacun·e commande et vient ensuite récupérer ses courses à une heure donnée. Ça se fait, j’ai vu ce concept dans un reportage.
  • un camion qui fait une tournée hebdomadaire dans les patelins du coin et livre soit des commandes soit permet l’achat sur le moment. (comme extension de notre projet actuel j’aime bien l’idée d’amener la coop’ directement chez les gens!)
  • un self : pas de permanences, les produits sont laissés dans les cartons, chacun·e vient se servir quand il·elle veut en ouvrant le local pour lui·elle même.

On voit bien que certaines de ces formes du point de vue de la simplicité peuvent avoir des atouts. En revanche une chose leur manque : la convivialité ! Personne ou presque ne se croise ! Damn. La coop pour nous c’est aussi un lieu de rencontre, où des liens se tissent et où des projets de toutes sortes se discutent.

L’épicerie

Notre petit local qui paye pas de mine avec ses étagères dépareillées, ses murs toujours pas repeints, son isolation catastrophique (bon par contre on a une table où s’installer et même un canap’, tout n’est pas noir !) mine de rien apporte des petits moments de vie en groupe très chouettes ! Le choix de faire ses courses sur place (et non sur internet par exemple) avec tous ces produits un peu partout, régulièrement des choses nouvelles ou en rupture, des produits changés de place car le stock grossissant sans cesse on réorganise souvent ou encore le calcul du montant des courses : faire ses courses à la coop’ ça prend un peu de temps. Et pendant ce temps là : on croise du monde et on jacte ! (Lorsque je sais que je n’ai guère le temps je n’y vais que à la fin d’une permanence : sinon avec la venue des un·e·s et des autres j’y passe systématiquement deux heures! Et pourtant je crois pas être quelqu’un d’hyper sociable.)

Les permanences

Avec notre système de clé tout le monde peut venir en plein milieu de la nuit ouvrir pour sa pomme. Ça a le mérite d’être simple. Mais nous sommes plus d’un·e à tenir à nos permanences pour maintenir ce moment de rencontre qui fait le ciment de ce collectif. Alors évidemment c’est contraignant pour tout le monde, galère pour remplir les créneaux, utiliser le planning en ligne, ça quintuple le temps requis pour faire fonctionner la coop’ et ça créait même des petites tensions (car certain·e·s s’y retrouvent plus souvent qu’à leur tour). Néanmoins ça reste le moment privilégié où l’on se parle, où 15 personnes se retrouvent dans le même petit local à se tourner autour pour prendre un pot de sauce tomate ou une bière.

C’est également le moment où les curieux·ses peuvent venir découvrir ce que c’est la coop’. C’est tout de même plus engageant que s’inscrire sur un site web, discuter par mail du fonctionnement ou lire un mode d’emploi de 30 pages tout seul sur son ordi.

Les enjeux de pouvoir

« M’oh la commission me font ch***, ils ont pas accepté le producteur que j’avais trouvé car il est pas labellisé encore. Déjà la dernière fois ils ont pas voulu commander des chips sous prétexte que c’est pas assez sain !» ou encore « Tu as entendu ? C’est la dernière fois pour le créneau du mercredi, ils ont décidé de le supprimer, tu m’expliques comment je viens moi maintenant ? ». Ça serait vraiment dommage que les discussions à la coop’ tournent autour des problèmes d’organisation, de décisions qui ne plaisent pas, etc et que cela nourrisse une ambiance délétère de grogne et de défiance les un·e·s envers les autres. Et oui concrètement ça arrive. Lors de ma visite à la Louve d’une heure j’ai entendu plus d’un motif de grogne contre les employés. Lors des rencontres nationales des coopératives alimentaires autogérées en septembre derniers j’ai pu discuter avec des membres de la coop’ de Creil et là aussi ça rouspétait notamment (et pas seulement) sur les collègues de la commission gestion du stock « qui nous ont obligé à prendre une caisse sur laquelle on doit se former maintenant ».

Alors c’est moins trivial et évident que la déco, le local ou les permanences mais les enjeux de pouvoir sont au moins aussi importants – voir majeurs - dans l’ambiance sur le long terme qui règne dans une coop’. Notre parti pris a été de réduire au maximum les espaces de pouvoir et de décisions autoritaires (que ça soit d’une personne, d’un petit groupe ou d’une majorité). Bonus : ça maximise les libertés de chacun·e, ça tombe bien avec notre ambition d’autogestion et de pouvoir individuel, youhou !

A la semaine prochaine !

« Quoi ??!! Il parle de convivialité, il dit que les enjeux de pouvoir c’est majeur là dedans, il lâche deux phrases, un youhou et c’est fini ? Alors qu’il nous pond dix lignes pour nous dire que c’est bien d’avoir des rayons ! Fumier ! »

Alors… mon petit pote… d’un côté je suis ravi que tu prennes la chose autant à coeur, de l’autre… tu te calmes ! C’est un point tellement important et impactant dans la forme actuelle de notre coopérative que ça mérite un article à lui seul. J’aurai pu rajouter direct ici mais d’un : ça m’aurai fait plus bosser ; et de deux : tu aurais râlé de la longueur de l’article et ta concentration se serait lentement reportée sur une vidéo de chats sur youtube. Donc : à la semaine prochaine !