Pourquoi Richard M. Stallman est un mauvais représentant du libre

Si il a été le premier a comprendre intuitivement les enjeux autour du logiciel, Stallman est aujourd'hui dépassé sur de nombreuses questions sociales autour et au delà du libre.

Cet article a d’abord été publié comme commentaire au billet de blog Pourquoi Richard M. Stallman doit dégager de la scène du logiciel libre de Korben

Ce n’est pas mon habitude de me lancer à corps perdu dans les sections commentaires sur Internet mais une fois n’est pas coutume. En effet, il me semblait que l’ensemble des réactions passaient complètement à côté du problème : en traitant la question sous l’angle individuelle et légale, les internautes occultaient totalement l’aspect collectif ! En effet, il est question de Richard M. Stallman (RMS) en tant que représentant de la Free Software Foundation (FSF), et donc que doit-il et surtout ne doit-il pas dire en tant que représentant de ce groupe.

Richard Stallman est un représentant de la FSF

Tout d’abord, il faut poser ce constat : Richard Stallman est une personnalité publique. Qui plus est, en étant le représentant de la Free Software Foundation, et bien il la représente. Quand il parle en son nom, RMS n’est pas un individu lambda mais un représentant de la FSF, fonction qu’il a accepté. Si il veut se décharger de cette responsabilité de représentation, il peut prendre un pseudo ou démissionner.

Un représentant a un devoir de réserve

Il me parait donc évident qu’il doive exercer un droit de réserve sur les sujets qui ne concernent pas directement le logiciel libre, particulièrement si il n’est pas compétent dessus. Si les membres de la Free Software Foundation se trouvent mal représentés par RMS, alors c’est normal qu’ils lui demandent d’arrêter de parler en son nom. Point de “cancel culture” ici.

RMS est critiqué depuis longtemps sur son travail de représentation

En discutant avec les personnes qui l’ont accueilli, RMS a souvent peu de considérations pour les personnes. Vous pouvez voir sur son site le cahier des charges pour son proposé à la bouilloire pendant les conférences, le manque de reconnaissance pour ceux qui l’héberge, etc. L’anecdote la plus fameuse étant quand même RMS qui se coupe les ongles sur scène en conférence. On a vu plus investi comme représentant.

Pire, RMS a de nombreux angles morts. Je l’ai vu en conférence au même moment où sortait le documentaire “La bataille du libre” de Philippe Borrel qui justement étant cette notion de libre au reste de la société, particulièrement à la nature et à la santé. Rien de nouveau pourtant, vous avez peut-être déjà entendu parler de “communs” : je pense par exemple à la revue Ballast qui a traité ce sujet. Et bien sur le sujet des “communs”, RMS se contente de dire que ça n’a rien à voir sans argumenter, envoyant nos joyeux libristes dans les roses. Pourtant, si on peut ne pas être d’accord, la moindre des choses c’est de prendre la peine de se renseigner assez pour expliquer pourquoi ou alors de dire qu’on ne sait pas…

Les faits rapportés par Korben sont des reflets du comportement de RMS

À travers ce portrait de RMS, on voit que ces petites phrases, réflexions, commentaires faites à l’emporte pièce mais sous l’étiquette d’un représentant ne sont pas anodines. Elles sont le reflets de problèmes plus larges par rapport au poste de représentation de RMS. RMS peut se permettre de tenir ce genre de discours sur les violences sexuelles, sur le genre, sur les personnes en situation de handicap seulement parce qu’il se permet de ne pas écouter les personnes qui en ont été victimes, que ça concerne, mais aussi parce qu’il ne s’intéresse pas aux études en sciences sociales qui ont été conduites, bref parce qu’il parle en public comme on parle au bistrot du coin : sans savoir, sans réfléchir. Juste un exemple : en France, avant de parler de violences sexuelles, il serait bon d’avoir lu l’étude VIRAGE conduite par l’institut national d’étude démographique afin d’éviter de dire des choses fausses.

Alors oui RMS est un brillant informaticien et il est pionnier dans la compréhension des enjeux autour du logiciel libre, et ça personne ne lui enlèvera. Mais RMS est aussi très mauvais sur le plan humain et il est terriblement dépassé sur les questions de sciences sociales. Deux défauts qui sont préjudiciables étant donné son poste de représentant.

Conclusion

Les faits rapportés par Korben ne sont pas des dérapages, des anecdotes décontextualisées à propos d’une personne vertueuse. Bien au contraire, elles sont le reflet plus large de la personnalité de RMS. C’est problématique, au delà du cadre légal, parce que RMS représente des gens : les membres de la Free Software Foundation, il a donc un devoir de réserve envers eux. Tout ceci est fortement accentué par l’ignorance de RMS sur les questions sociales : il n’a visiblement pas pris la peine de se renseigner sur les sujets qu’il évoque publiquement alors qu’il existe des études scientifiques librement accessibles. On voit donc à travers l’action relayée par Korben qu’il ne s’agit pas d’empêcher RMS d’exister ou de s’exprimer (“cancel culture”) mais de lui retirer son poste de représentant qui lui permet de s’exprimer au nom d’un groupe qui considère ne pas être bien représenté.