Le Justicier du soir

Les caravanes, lanternes à leurs portes,
se faufilent dans la nuit, mortelle escorte.
Les roues des charrettes grincent, puis trépassent,
vont s'embourber dans une sombre crevasse.

Un bossu trop maquillé fouette les chevaux.
Leur hennissement déchire le silence.
Les braves gens contemplent cette nuisance
qui traverse leur ville, troublant leur repos.

Une porte, en chêne, s'ouvre sur la rue
Un homme de pied en cape habillé de cuir
pose un talon et l'observe à son insu.
Son regard fixe ceux qu'il veut détruire.

Une pluie fine ne tarde pas à mouiller
les faibles lueurs vacillent sous les heurts
Le haineux met beaucoup de temps à s'éveiller
Une force brute lui a soufflé qu'il était l'heure.

Sans se presser, il s'approche du convoi
les voyageurs, observe minutieusement
la main prête, il épie tous les mouvements
De ses bandits, aucune trace il ne voit.

Une main l'agrippe soudain, puis une autre,
alors qu'il passait entre deux roulottes.
Des visages se dessinent à la fenêtre,
les traits de manouche et les joues boulottes.

Il voit le tranchant de la Faux, il voit la mort.
Il prend connaissance de son funeste sort.
Un nain déguisé en diable lui sourit,
car il sait que sa victime n'a pas compris.

Dans l'Ombre, il a puisé sa forme actuelle.
Sa vie se résume en la Grande Illusion.
Son existence seule amène de lourdes questions.
Les caravanes masquent un sombre rituel.

L'homme s'écroule, le regard apeuré ;
dans la fenêtre, son image s'est reflétée.
La laideur de son âme a provoqué sa peine,
mort pour avoir affronté sa propre haine.