Ecouter, ouvrir les yeux, changer

Grâce au tag #meeToo , les femmes prennent la parole pour que le monde entier se rende compte de ce qui lui est invisible, ou plutôt de ce qu’il ne voulait pas voir.

« Toi tu te rends pas compte mais c’est dingue le nombre de fois qu’on peut se faire emmerder rien que sur un trajet de cinq minutes à pied. » s’accordaient à me dire deux amies alors que j’étais au lycée.

Effectivement, je ne me rendais pas compte, ces emmerdements n’étant pas dirigés vers ma personne et les mecs s’autorisent moins à s’aventurer sur le “territoire d’un autre homme”, surtout s’il est présent.

Je peux sans soucis marcher des kilomètres à travers les villes et les campagnes sans que qui que ce soit ne m’importune, personne n’aurait l’idée de me dire comment m’habiller ou me comporter tous les jours, tout le temps, dans des lieux publics ou privés.

Il est primordial d’écouter les témoignages des femmes, pour être vraiment éclairé sur le sujet. Malheureusement quand une femme s’exprime elle a énormément plus de chances d’être interrompue que quand c’est un homme qui le fait. Les hommes adorent monopoliser la parole, c’est ce qui nous vexe tellement avec les espaces non mixtes. Ces espaces sont devenus une nécessité, car dans les espaces mixtes, ce sont les hommes qui prennent la majeure partie du temps de parole pour s’exprimer sur autre chose que les problèmes des femmes, pourtant principaux ordres du jour de toutes ces réunions. Ce qui a probablement quelque chose à voir avec l’adage qui veut que les femmes soient belles et se taisent. Il est donc bon d’apprendre à se taire aussi pour réellement écouter, au lieu de juste attendre son tour pour parler. Pour parler d’un sujet, et non seulement parler de soi même et de son expérience personnelle.

Je ne suis pas du genre à siffler les nanas, à zoner avec des groupes de potes dans des coins stratégiques où passent des gonzesses, à tripoter des nanas en douce, mêmes les fois où j’étais bourré au dernier degré. Je n’ai pas sexé avec une à qui j’aurais cuisiné un cocktail au GHB, (Gros Houblon Belge) Mais je n’ai pas été en reste pour approcher des femmes de façon peu subtile, tant verbalement que physiquement, interprétant leur timide réaction comme du consentement alors que parfois, je le réalise à présent, ça n’en était pas… Alors n’ai-je pas contribué au problème du harcèlement ambiant plus qu’à sa diminution ? C’est ce que chacun de nous devrait se demander.

Les porcs, et les monstres ne sont pas comme on les imagine. Ils ne sont pas toujours au courant que ce qu’ils font est une saloperie plus ou moins crasse. On s’imagine que les harceleurs, les violeurs et autres sont des gens monstrueux sans aucun complexe, nés ainsi et ne peuvent que le rester toute leur vie. Du coup, quand on est associé à ce genre d’énergumène on est révolté, on a envie de dire “mais non, pas moi, je n’ai rien à voir avec ça, je n’ai jamais fait quoi que ce soit qui pourrait ne serait-ce qu’en avoir l’air”, et pourtant. On est tous le porc de quelqu’un.

Si vous poursuivez une nana pour qu’elle vous fasse la bise alors qu’elle ne le veut pas, vous êtes juste un gros lourd et il ne faudra pas vous étonner d’être fui comme la peste ensuite. Si avec votre moitié, vous avez convenu qu’il serait très excitant que vous la réveillez une de ces nuits en lui stimulant l’intérieur du slip, et que vous le faites, et qu’elle vous en redemande, là c’est cool. Et aussi, on vous a menti, quand on dit non ou qu’on vous rejette physiquement ça veut dire vraiment non. C’est facile finalement.

Et si on éduquait les gens au consentement, et plus particulièrement les hommes de tout âge? Car bien que les femmes aient intégré la domination masculine et soient tout autant capable de sexisme, le harcèlement et l’ambiance pourrie sont bien générées à 99% par les hommes les plus normaux qui soient. Or, s’imaginer être forcement du côté des gentils, c’est faire preuve d’un énorme manque d’introspection. On a tous fauté, et ce serait une erreur de plus que de croire qu’on ne s’est jamais trompés.

Mais à quel moment doit on dire à son boss que faire des entrevues seul à seul avec la plus jolie nana de l’open space deux fois plus souvent qu’avec n’importe qui d’autre relève du harcèlement et qu’il devrait arrêter ses conneries? Comment faire comprendre à ce mec que demander tous les jours à telle nana de venir sur ses genoux parce qu’il n’y a pas assez de chaises en salle de réunion que ce n’est pas une boutade mais juste lourd? Ce n’est pas facile, mais il faut faire comprendre à ses pairs que ce sont des gros lourds -quand ils le sont- dès qu’on le peut, parce que dans ce monde d’hommes, si le message vient d’une femme il y a moins de chances qu’il soit écouté et intégré. Les problèmes dirigés vers les femmes ne devraient pas être résolus uniquement par les femmes, ils seraient résolus bien plus rapidement si l’ensemble de la population s’y mettait.

Ce n’est pas à nous autres de dire aux victimes ce qu’elles doivent faire pour réagir une fois le mal fait, mais c’est bien de notre responsabilité à tous de prévenir avant de guérir et de savoir faire notre mea culpa et reconnaître nos erreurs. Les nôtres, et celles de nos pairs. J’ai donc commencé il y a quelques années de ça à faire comprendre aux gens qui m’entourent, les incohérences dans nos attentes d’hommes vis à vis de la gente féminine, et j’ai trouvé des oreilles attentives. Ce n’était pas si compliqué, il fallait se lancer.

Il nous arrive tous a un moment ou à un autre d’être lourd. Faire la différence consiste à lutter contre cette facilité, ces automatismes de pensée, et à faire des démarches concrètes pour devenir quelqu’un de meilleur. Ouvrir les yeux étant la première étape obligatoire.

Baptiste.