Depuis le début de la crise sanitaire, les jeunes (entendez par là les moins de 30 ans) sont souvent identifiés par le public comme par les politiques comme étant une tranche de la population souffrant particulièrement de cette situation exceptionnelle. Pourtant, très peu de mesures ont été prises afin de les aider à traverser cette période qui les précarise à différents niveaux. En tant qu’acteur du secteur jeunesse et jeune pour encore un an selon le décret, j’ai été particulièrement interpellé par cette inaction politique que je souhaite aujourd’hui pointer du doigt.
Etat des lieux de la jeunesse en cette période de crise
Je n’ai pas la prétention de dresser un état de lieux complet de cette tranche de la population. Mais un rapide coup d’œil à la situation me semble nécessaire pour bien appréhender la suite de ce texte. Économiquement d’abord, la situation des jeunes a eu tendance à se précariser. En effet, une part importante d’entre eux occupe des emplois précaires (contrats de remplacement, jobs étudiants, CDD,…) qui n’ont pas été renouvelés au vu des employeurs amenés à fermer ou travailler à un rythme moins élevé. Entre décembre 2019 et décembre 2020, le chômage des jeunes augmente ainsi de 5% en Wallonie et de 10% à Bruxelles. Ces chiffres sont d’autant plus interpellants quand on sait que pour 1/4 des jeunes concernés, leur travail est indispensable pour subvenir à leurs besoins les plus basiques et qu’une partie d’entre eux n’ont pas accès à la sécurité sociale suite à la réforme des allocations d’insertion réalisée sous le gouvernement Di Rupo. Au niveau santé ensuite, une enquête de l’Université de Liège indique que 45 % des jeunes entre 18 et 30 ans présentent des symptômes d’anxiété et plus de la moitié d’entre eux présentent également des symptômes dépressifs. Au niveau social enfin, même si l’impact est difficilement mesurable, les jeunes sont touchés de plein fouet par les injonctions d’isolement à un âge où les expériences et les rencontres de la vie sont primordiales pour leur construction identitaire.
Jeunes, tous étudiants aux yeux des politiques ?
Pour peu qu’on prête l’oreille aux sorties médiatiques des différents responsables politiques en charge directement ou indirectement des matières liées à la jeunesse, on se rend vite compte que leur attention est portée sur un segment bien précis de la jeunesse : les étudiants. Dans une société néo-libérale capitaliste, cette attention n’a rien de surprenant. Plutôt que de se pencher sur la jeunesse qui est un segment de la population pluriel qui se caractérise par des critères très humains d’âge, de période de la vie et d’évolution personnelle (entre autres choses), il est plus intéressant de s’intéresser aux étudiants qui peuvent être observés comme une force de travail en devenir dont on peut juger de l’état de santé par des critères de performances comme les taux de réussite ou de décrochage. Les mesures prises pour “la jeunesse” sont alors orientées dans ce sens : examens en présentiel pour s’assurer de la bonne évaluation des étudiants, cours en ligne sans allègement du programme pour ne pas retarder leur arrivée sur le marché de l’emploi, cours partiellement en présentiel pour limiter le taux d’abandons,… Bref, des mesures pour assurer l’efficacité de l’apprentissage plutôt que le bien-être des jeunes. Et pour le reste des 18-30 ans ? Aucun assouplissement des mesures ou compensation étatique (sociale ou financière) significatif n’ont été mis en place.
Le secteur jeunesse et ses perspectives
Actuellement, les 300 centres de jeunes et organisations de jeunesse qui composent le secteur jeunesse sont globalement fermés pour les 18-30 ans. Les acteurs de terrain sont condamnés à constater impuissants la détresse des jeunes qui composent leur public sans pouvoir légalement leur venir en aide. Pourtant, ce secteur est composé de professionnels formés à soutenir les jeunes et d’infrastructures capables de les accueillir dans le respect des règles de distanciation. Qui plus est, au début de la crise, le secteur a prouvé sa capacité à respecter les protocoles qui lui étaient imposés. Dès lors, il apparaît clairement que ces acteurs font partie de la solution.
Depuis leur fermeture, les acteurs du secteur jeunesse s’activent à proposer des solutions réalistes et respectueuses des normes sanitaires afin de pouvoir soutenir les jeunes en détresse sociale ou psychologique. A ce jour, ces propositions sont restées lettres mortes.
Conclusion et responsabilités
Le constat sur l’état de santé des jeunes est clair : la jeunesse est en grande détresse. Pourtant, les interpellations de son secteur ne trouvent pas écho auprès du cabinet. Aucune mesure significative n’est mise en place malgré les propositions concrètes mises sur la table et l’absence de contre-indications des experts. La jeunesse n’est pas simplement oubliée, elle est délibérément ignorée par les politiques. Le cabinet jeunesse et le reste des acteurs politiques concernés portent aujourd’hui la responsabilité de cette situation alarmante.
Il est aujourd’hui urgent de permettre aux acteurs du secteur de jouer leur rôle auprès de la société civile en les autorisant à ouvrir à nouveaux leurs portes sur base de protocoles sanitaires strictes et réalistes. Il est temps de limiter les impacts psychologiques et humains de ce confinement qui risquent de faire plus de dégâts que le virus en lui-même. Le moment est venu d’apporter une réponse humaine à cette crise.
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