Élections européennes 2019, J+1

C’est peu dire que les résultats des élections européennes d’hier m’ont déçu. Paradoxalement, je n’avais pourtant pas beaucoup d’espoir, mais la déception et la sidération furent tout de même au rendez-vous.

Le duo de tête, sans surprise

La surprise ne concerne pas le duo de tête, où comme les sondages l’avaient prédit, le RN et LREM se sont disputés la victoire, la liste d’extrême-droite l’emportant finalement sur celle de la majorité présidentielle.

Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron a perdu son pari ? Pas si sûr, de mon point de vue. Si on considère que le pari du président, comme il l’a déclaré pendant toute la campagne, était de terminer en tête et de battre ainsi le RN, le pari est assurément perdu. Mais si, comme je le crois, son objectif véritable était d’installer le duel entre Le Pen et lui, en neutralisant toutes les autres alternatives, à droite comme à gauche, il est largement atteint aujourd’hui. Cette stratégie du moi ou le chaos est mortifère, mais clairement efficace de son point de vue, quand on se projète sur la prochaine élection présidentielle où il briguera sans doute sa réélection. Moi ou le chaos, dit-il. Et après lui, le chaos ? ai-je envie d’ajouter.

L’écologie, surprenante troisième force ?

En troisième position et à la surprise générale des commentateurs, on trouve la liste EELV, qui signe un bon score, bien qu’étant nettement distancée par les deux premiers.

Ce n’est pas la première fois que les écologistes tirent leur épingle du jeu lors d’élections européennes, on se souvient par exemple de leur excellent score au-dessus de 16% en 2009.

Cette année, il est possible qu’une participation plus forte que prévue des jeunes, réputés plus sensibles aux questions environnementales ait favorisé la liste EELV.

Un bémol tout de même : si le score de la liste EELV est plus que correct, il est aussi analysé à l’aune de sondages qui la plaçait bien plus bas, en score comme en ordre d’arrivée. Après avoir été annoncés au coude-à-coude pour la quatrième place avec la France Insoumise entre 7 et 9 %, les écologistes sont évidemment vus comme la grande surprise, à défaut d’en être les vainqueurs, de ce scrutin européen.

La droite traditionnelle, réduite et laminée

Les grands perdants du scrutin d’hier, ce sont incontestablement Les Républicains, dont la tête de liste Francois-Xavier Bellamy était pourtant présentée depuis plusieurs semaines dans les médias comme celui capable de réveiller et relever la droite après l’échec retentissant de 2017. La Bellamy-mania est finalement retombée hier soir, aussi bas que le score de sa liste, qui n’atteint même pas 9%.

C’est une claque énorme, un séisme, pour une droite traditionnelle dont j’ai toujours estimé le socle électoral minimal entre 19 et 20 %. Jamais la droite n’était tombée si bas, et les scores de LREM dans des bastions de la droite (Neuilly, Levallois, etc.) peuvent faire craindre le pire à Laurent Wauquiez et des troupes.

C’est inévitable, mais la question de la stratégie de LR va se poser encore plus vite que prévu avant les prochaines grosses échéances électorales : se réconcilier avec le centre-droite, quitte à pactiser avec la majorité macroniste actuelle, ou tendre vers la terrible union des droites, c’est-à-dire avec le RN, voulue par un nombre croissant de leurs électeurs.

Vous excuserez ce jeu de mot un peu facile, mais avec les résultats d’hier, la recomposition de la droite est plus que jamais en marche ...

La gauche éclatée, tous perdants ?

Hormis les écologistes d’EELV, je pense qu’on peut dire sans trop se mouiller que toutes les autres listes de gauche ont perdu hier.

La France Insoumise est loin du score espéré et surtout de son objectif avoué : être la première force de gauche.

On pourrait dire que le PS associé à Place Publique limitent la casse, mais c’est surtout une analyse suite aux mauvais sondages qui les plaçaient régulièrement à la limite de la barre fatidique des 5% permettant d’envoyer des élus au Parlement européen. Objectivement, à 6,5% des suffrages exprimés, le résultat est faible, très faible pour un parti qui gouvernait encore le pays il y a à peine 2 ans.

Pour les autres, c’est encore pire. Benoît Hamon et sa liste Génération.s semble finir au-dessus de 3% pour se faire rembourser ses frais de campagne. Quant au PCF, auquel j’ai offert mon vote hier, il poursuit sa descente aux enfers, tout juste au-dessus de 2%, talonné par le Parti animaliste. C’est assez triste de mon point de vue, mais le déclin et la disparition du vieux Parti communiste, dans les faits si ce n’est officiellement, semblent désormais inéluctables.

Une liste d’union de la gauche aurait-elle permis de limiter la casse ? Peut-être en partie, mais je ne suis pas certain que cela aurait fait des forces de gauche les grands vainqueurs de ce scrutin.

Il y a clairement beaucoup de travail à gauche pour mettre de côté les égos, enterrer la hache de guerre entre vieux adversaires, et surtout se réinventer idéologiquement sans se renier.

Une recomposition possible à gauche ?

Par rapport aux résultats de la gauche hier soir, c’est-à-dire à l’échec total des partis traditionnels et le bon résultat d’EELV, j’ai plusieurs questions, interrogations ou doutes.

EELV sera-t-il le socle d’une nouvelle gauche conquérante, qui parle à la jeunesse tout en étant assise sur ses valeurs, ou une nouvelle (dés-)illusion, un marche-pied pour des compromissions coupables et des ambitions individuelles inavouables ?

Est-ce une victoire de l’écologie apolitique ou neutre (dans le sens : ni droite ni gauche), ou le début d’une recomposition autour d’EELV d’une réelle alternative de gauche, à la fois écologiste, sociale et anti-capitaliste ?

De la réponse à ces questions dépendront à la fois mon éventuelle adhésion - sinon au parti, du moins à son projet politique - et surtout , c’est plus important, l’avenir de la gauche française, voire européenne.

Aujourd’hui, je ne sais pas si je dois être optimiste ou pessimiste. J’ai envie d’être optimiste, mais j’ai aussi un naturel méfiant, sceptique, voire clairement pessimiste. A suivre …

#politique