Mon mauvais avis sur : Nietzsche et la vie, de Barbara Stiegler

J’ai beaucoup aimé les premiers chapitres de ce livre, dans lesquels Stiegler revient sur l’histoire de la philosophie depuis Descartes, et montre en quoi chacun a introduit une nouvelle façon de penser le problème principal de l’époque, celui de la nature de la réalité et de l’existence de certitudes. Et pour chacun, Stiegler explique en quoi, pour Nietzsche, il a fini par construire un nouvel « écran » qui permet de nier la vie et qui met essaie d’établir une base certaine, absolue, sur un mensonge ; car la seule chose qui est certaine c’est le « flux absolu » de la vie qui nous dépasse toujours. Et ce même si c’est pour nous une nécessité vitale de trouver des phases de permanence et de solidité dans ce flux, des repères fiables, quitte à nous les inventer s’ils n’existent pas tant notre besoin est grand. (Nietzsche va jusqu’à dire que la logique moderne est l’une de ces fictions…)



Je pense que j’ai apprécié le début du livre en bonne partie parce que j’ai appris pas mal de choses sur l’histoire de la philosophie du 17e au 19e siècle, en particulier autour de la métaphysique et du lien entre matière, corps et conscience — un sujet qui a toujours été une de mes obsessions personnelles.



Il y a également tout une démonstration de comment Nietzsche a voulu réhabiliter le corps et le mettre au centre de la philosophie — ça c’est un fait plutôt connu sur Nietzsche — mais aussi de comment, pour ce faire, il s’est appuyé sur les débats les plus actuels des biologistes de son temps. Notamment Nietzsche critique, à la suite du biologiste Wilhelm Roux, que le darwinisme de l’époque postule des individus tous identiques dotés d’un programme interne (qui peut changer parfois) et ne s’intéressent qu’à la pression de sélection, alors que Roux et Nietzsche arguent que l’individu lui-même est le résultat d’une “lutte des parties”, de toutes ses cellules entre elles pour survivre. Leur critique préfigure des nuances qui devront être apportées à la notion de « proramme génétique » avec tout ce qui est l’émergence de l’épigénétique, etc. (je sais plus lol j’y connais rien) et tout ça avant la découverte de l’ADN.



La dernière partie du livre m’a beaucoup moins intéressé, j’avoue. Ça parlait de l’héritage de Nietzsche et ça le confrontait avec d’autres auteurs comme Bergson ou Foucault… avec des interrogations sur les points aveugles de certains auteurs dont on peut faire une critique nietzschéenne, comme la philosophie de l’évolution ou les politiques de santé. La structure argumentative et les oppositions que l’autrice mettait en avant m’ont paru souvent forcées, mais c’est sans doute en bonne partie parce que je n’ai rien d’un universitaire en philo et que tout simplement je n’y retrouvais pas des choses qui m’intéressaient.



Je relirai peut-être ce livre si j’en ai la motivation un jour. En tout cas il m’a donné matière à penser sur plusieurs sujets, des pistes de nouveaux points de vue et surtout, il m’a permis une introduction relativement accessible — bon faut quand même se le farcir, le bouquin — à la pensée de Nietzsche, en tout cas plus facile que les livres de Nietzsche lui-même. Et ça c’est cool.